Contre-projet à l’initiative pour l’inclusion: copie bâclée et en décalage avec les attentes des personnes concernées
Lors de sa séance du 25 juin 2025, le Conseil fédéral a présenté son contre-projet indirect à l’initiative pour l’inclusion et fixé le délai pour la consultation au 16 octobre. Le projet déçoit : il reste flou et ne fournit de loin pas le plan urgemment exigé pour une Suisse inclusive. Le Conseil fédéral se fonde de surcroît sur une notion du handicap beaucoup trop restrictive et les mesures dans le domaine de l’AI sont tout bonnement insuffisantes. Pour répondre de manière adéquate à l’initiative pour l’inclusion, ce projet doit être révisé en profondeur.

Source d'image: sbv fsa
Le Conseil fédéral a ouvert fin juin 2025 la procédure de consultation sur le contre-projet indirect à l’initiative pour l’inclusion, un projet composé d’une nouvelle loi – la loi-cadre sur l’inclusion – et d’une révision partielle de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI). La fsa, conjointement avec d’autres organisations du handicap, a longuement étudié la proposition du Conseil fédéral et participe activement à la consultation qui court jusqu’au 16 octobre.
L’initiative pour l’inclusion demande l’égalité de droit et de fait des personnes en situation de handicap dans tous les domaines de la vie. La Suisse s’y est engagée avec la ratification en 2014 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Dès lors, l’initiative fédérale pour l’inclusion est aussi porteuse d’espoir pour les personnes aveugles et malvoyantes qui peuvent désormais espérer des améliorations concrètes de leur situation de vie.
Sur base de quels critères évaluons-nous le contre-projet à l’initiative pour l’inclusion?
Partant du constat que la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ne peut être garantie uniquement par l’adoption d’une loi sur l’inclusion et une révision de la LAI, nous avons défini les critères suivants à l’aune desquels évaluer le contre-projet du Conseil fédéral:
- Le projet ouvre-t-il la voie à une mise en œuvre complète de la CDPH au cours des prochaines décennies (même si ce n’est que progressivement)?
- Le projet contribue-t-il réellement à favoriser une vie autodéterminée dans les différents domaines de la vie?
Projet bâclé et en décalage avec les attentes des personnes en situation de handicap
Au regard de ces critères, force est de constater que l’avant-projet du Conseil fédéral déçoit et ne répond nullement aux objectifs visés par l’initiative pour l’inclusion. Le Conseil fédéral omet de poser les jalons d’une politique progressiste en matière de handicap et d’inclusion pour les prochaines décennies. Et il est particulièrement choquant que l’avant-projet de loi sur l’inclusion propose une définition du handicap qui exclut d’emblée les trois-quarts des personnes concernées.
L’essentiel en bref: qu’est-ce qui manque dans la nouvelle loi-cadre sur l’inclusion?
- Selon l’avant-projet de loi sur l’inclusion, ni la Confédération ni les cantons n’ont l’obligation de présenter une stratégie nationale et un plan d’action concret pour la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
- L’avant-projet ne garantit pas une participation adéquate des personnes handicapées et de leurs associations.
- Le projet mis en consultation ne prévoit aucun mécanisme garantissant un suivi indépendant et régulier des progrès réalisés par la Suisse dans la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (monitorage efficace).
- Les dispositions proposées montrent qu’il n’existe pas de concept global. Le nouveau projet de loi sur l’inclusion est trop vague et se concentre uniquement sur le logement.
L’avant-projet de loi reste donc peu ambitieux et ne propose aucun plan d’action national contraignant. Les obligations de la Confédération et des cantons ainsi que les droits des personnes en situation de handicap doivent être clarifiés et il faut impérativement des mesures organisationnelles et des instruments de pilotage pour mettre en œuvre une véritable égalité.
La loi doit, au moins en principe, s’appliquer à l’ensemble des 1,9 million de personnes vivant avec un handicap en Suisse. D’éventuelles dérogations ou restrictions peuvent être définies dans les prescriptions spécifiques régissant les différents domaines de vie (par exemple le logement).
Changement de système vers le logement autonome: une occasion manquée
L’autonomie dans le logement est un facteur décisif de l’inclusion et il est urgent d’agir. Pourtant, l’avant-projet de loi-cadre sur l’inclusion ne s’intéresse guère au logement autonome et une stratégie coordonnée de la Confédération et des cantons pour un nouveau système fait largement défaut.
En outre, l’avant-projet ne prévoit aucune obligation légale pour les cantons de garantir le libre choix du type de logement et du lieu de résidence. Il faut que ce droit des personnes en situation de handicap soit inscrit dans la loi.
Pour un meilleur accès à la contribution d’assistance!
S’agissant du deuxième volet du contre-projet indirect à l’initiative pour l’inclusion, avec pour objet une révision partielle de la LAI, le Conseil fédéral propose très peu de changements. Des mesures visant à garantir un meilleur accès aux contributions d’assistance, aux moyens auxiliaires et aux services personnalisés, voire le développement des prestations dans les domaines du logement, du travail et de la participation à la vie en société, font largement défaut.
Ces prestations d’aide sont cependant essentielles pour mener une vie autonome et constituent un élément clé de l’initiative pour l’inclusion. Dès lors, la contribution d’assistance doit être améliorer de manière durable, d’une part, en l’étendant à d’autres catégories de personnes et, d’autre part, en améliorant considérablement le système.
Nos revendications concernant l’extension à d’autres catégories de personnes:
- Le droit à une contribution d’assistance doit être étendu aux catégories de personnes suivantes:
- les personnes en âge AVS
- les personnes bénéficiant d’une allocation pour impotent de l’assurance-accidents (AA) et de l’assurance-militaire (AM)
- les mineurs qui ne relèvent pas de l’art. 39a RAI
- Les adultes malentendants et sourds: ils doivent également avoir droit à une allocation pour impotent, et donc à une contribution d’assistance.
- Les personnes en situation de handicap psychique sans droit à une rente AI doivent avoir accès à une allocation pour impotent leur permettant de faire face aux nécessités de la vie, et donc à une contribution d’assistance.
Nos revendications concernant l’optimisation de la contribution d’assistance:
- Réduire les charges administratives et les rémunérer de manière adéquate
- Augmenter le montant des contributions et relever les maximas
- Renforcer les prestations de conseil
- Élargir le cercle des personnes pouvant être reconnues comme prestataires d’assistance (assistant-es)
- ne pas se limiter aux personnes physiques, mais étendre le cercle des prestataires d’assistance aux personnes morales
- admettre comme prestataires d’assistance les parents en ligne directe et les partenaires de vie.
- Garantir l’égalité de traitement entre les personnes actives sur le deuxième marché du travail et celles du premier marché du travail.
Contributions d’assistance: une évaluation différente des besoins s’impose
Les personnes en situation de handicap ont droit à une contribution d’assistance si elles perçoivent une allocation pour impotent de l’AI, vivent chez elles (pas dans un home) et sont majeures. Pour déterminer le droit à une contribution d’assistance, l’AI calcule le besoin d’aide au moyen d’un instrument d’enquête standardisé, appelé FAKT. Cet instrument, largement utilisé par les offices AI, prétérite les personnes aveugles et malvoyantes, puisqu’il est fortement standardisé et privilégie les questions fermées. De ce fait, il ne tient pas compte des nécessités spécifiques liés aux handicaps (sensoriels) et s’oriente principalement aux besoins des personnes atteintes d’un handicap physique.
C’est pourquoi les personnes aveugles et malvoyantes considèrent que FAKT ne permet pas d’établir de manière adéquate leurs besoins d’aide et estiment que cet instrument est mal adapté à leur situation au vu des failles inhérentes à ce système d’évaluation.
Alors que l’instrument FAKT est largement utilisé dans le cadre de la procédure d’évaluation de l’allocation pour impotent, le législateur a admis qu’il ne convenait pas pour évaluer les besoins d’aide des personnes souffrant d’un handicap sensoriel. Dès lors, une allocation pour impotent est également attribuée aux personnes aveugles, malvoyantes, malentendantes/malvoyantes et sourdes-aveugles dans des cas particuliers, soit dans les situations où les exigences habituelles ne s’appliquent pas et où des solutions spécifiques sont nécessaires. Le législateur renonce alors à une évaluation au moyen d’un instrument prédéfini. Ceci étant, l’AI ne tient pas toujours compte du cas particulier pour déterminer le droit à une contribution d’assistance.
C’est pourquoi nous demandons:
- De renoncer à l’instrument d’évaluation FAKT et d’appliquer un nouvel instrument d’enquête (par exemple le plan d’aide individuel – en abrégé IHP, de l’allemand individueller Hilfeplan – lequel permet d’évaluer les besoins particuliers liés au handicap selon une méthode participative, centrée sur la personne et axée sur les objectifs).
- D’accorder aux personnes atteintes d’un handicap sensoriel une contribution d’assistance dans les cas particuliers.
Moyens auxiliaires
Dans son avant-projet, le Conseil fédéral fait par ailleurs l’impasse sur la nécessité d’améliorer l’accès aux moyens auxiliaires pour les personnes en situation de handicap qui ont atteint l’âge AVS et font état d’un besoin avéré. Autre élément qui fait cruellement défaut: l’élargissement des prestations de tiers à l’entretien de contacts sociaux (en lieu et place d’un moyen auxiliaire) ainsi qu’une augmentation du montant maximal accordé au titre de moyens auxiliaires pour l’exercice d’une activité professionnelle.
Pour plus de détails et pour obtenir un aperçu de toutes les revendications, veuillez consulter la réponse détaillée de la fsa à la consultation dans la rubrique Téléchargements (en allemand).